LE GUIZHOU : UNE CHINE PLUS AUTHENTIQUE S’OUVRE AU TOURISME
Au Guizhou, dans cette province encore reculée des régions montagneuses du Sud Ouest de la Chine, au cœur d’extraordinaires paysages karstiques déclinant la campagne profonde, le mode de vie, la vitalité millénaire et les coutumes ancestrales des minorités ethniques restent quasiment intactes. Encore ignorée (pas pour longtemps ) des habituels chemins touristiques, la beauté intemporelle de cette « terre précieuse », tout comme le savoir faire souriant de ses habitants aux costumes bariolés traditionnels a pourtant de quoi fasciner le visiteur émerveillé par cette simplicité intouchée .
Modernité et tradition pour la capitale Guiyang
- Guiyang
Au départ de Pékin ou Shangai, il faut deux à trois heures d’avion pour rejoindre le Guizhou et sa capitale Guiyang. Reliée à la plupart des villes chinoises, entourée de montagnes, posée à mille mètres au dessus de la mer et jouissant d’un climat agréablement pluvieux, la « petite » cité (à l’échelle du pays! quand même 4 millions d’habitants ) est une ville verte avec un très vaste lac et de nombreux parcs, des champs agricoles de céréales à perte de vue, une faible pollution (en tout cas bien moindre que celle sévissant dans les cités du Nord du pays). Guiyang s’est hissée au sommet en devenant notamment ses dernières année le pôle numérique de la Chine et une plaque tournante des stockages de données.
Si elle a tous les poncifs de la modernité : gratte-ciels, immeubles en construction, circulation intense, elle n’en revendique pas moins la tradition. Sur la Place du peuple les locaux jouent au ma-jong , s’évertuent au taï-chi et continuent de la surnommer « zhu », bambou à cause des bambous qui autrefois l’entouraient. En plein cœur de de la ville le pont de Jade flottant au dessus de la rivière Nanming mène au Pavillon de Jiaxiu.
- Pavillon de Jiaxiu
Magnifique avec son architecture traditionnelle chinoise, son point de vue sur la cité et son exposition d’œuvres d’art, il symbolise superbement la ville. A la nuit tombée, les milliers de lampions scintillants le pare d’ une féerie lumineuse qui se reflète dans les eaux sombres. A l’égal de toutes les villes chinoises , il existe traditionnellement un marché aux fleurs et aux oiseaux. Ici aussi, mais air du temps oblige,on propose sur les étals de bois de la rue Yangming des marchandises de plus en plus diversifiées. La foule s’y presse où l’on distingue parfois les costumes traditionnels etniques égayés de couleurs vives .
Parc national de Tianhe, la nature en majesté
La région de part sa topographie et sa pluviométrie offre un multitude de parcs naturels facilement accessibles où l’on aime à se ressourcer au sein d’une nature grandiose et préservée.Ce n’est pas sans raison que lon surnomme le Guyzhou « la Province des Parcs » . A A seulement une vingtaine de kms de Guiyang, le parc national de Tianhe du nom éponyme du plus grand de ses étangs flanqué de montagnes et de falaises karstiques en est un bel exemple. Bien que modeste de superficie (seulement 15 kms²) il n’en déploie pas moins ses merveilles.
- Le parc national de Tianhe
Dans cet havre de paix, ode à dame nature, l’eau règne en souveraine : déferlement de cascades aux eaux cristallines, étangs paisibles, grottes de plein pied, à pic impressionnants, onde limpide…. En suivant une rivière souterraine, duement harnaché sur un petit bateau, on peut admirer la superbe grotte de Longtan étiré sur plus de mille mètres et savament mise en lumière.
- La grotte de Longtan
Fantasmagorique, les ombres jouent sur ses parois luisantes. A pied cette fois pour la vue imprenable sur l’étang, on emprunte un pont reliant deux falaises. Même s’il ne compte que deux cents mètres de longueur, sujets au vertige s’abstenir !
le village antique de Qiangyan .
- Le village antique de Qiangyan
Proche de la capitale, le village antique de Qiangyan se dresse dans la campagne. Construit sous la dynastie Ming il y a 600 ans . Cet ancien avant poste militaire à l’origine défensif s’est transformé au cours des siècles en village fortifié chinois. Il conserve ses tours de guet massives ponctuant l’immense et disuasif mur d’enceinte. Comme jadis, en arrière fond les champs de céréales opulents ondulent dans la fraîcheur du matin. Après péage, on accède au village par un chemin piétonnier dont la route pavée patinée par le temps s’ourle de murets de pierres taillées en forme de feuille. Autrefois étape sur le voyage de nombreuses cultures, le village admirablement conservé et répertorié au Patrimoine Mondial donne à voir de nos jours une multitude de bâtiments religieux (bouddhistes, taoïstes, monastères, églises…) restaurés ou en cours de restauration.
- La maison de Zhao Yijiong
la petite maison de Zhao Yijiong, le premier lettré du Guizhou et le Champion du Concours Impérial, en fait le lauréat aux examens les plus ardus de la Chine impériale (la star de l’époque !) a subi elle aussi un lifting à l’identique le long de la rue principale piétonne Bei, le tourisme commence à faire ses ravages avec la transformation des sévères maisons de pierres grises en autant d’échoppes bon marché distillant à tout va du « made in China ». Une foule bigarrée s’y presse où dominent les costumes cirés noirs ornés de broderies chatoyantes des minorités ethniques peuplant la montagne. Les effluves alléchantes des pieds de porc panés ,ou encore celles miellées s’échappant des marmites de poissons marinés à l’aigre doux gardent leur parfum authenticité voire d’éternité. D’un accès difficile autrefois, sucre et sel étaient en effet des denrées rares, les autochtones se sont habitués au goût aigre et tout naturellement l’ont pérénisé Aujourd’hui, seulement quelques yens suffisent pour se régaler de cette food street si furieusement tentante. Ces spécialités immémoriales locales sont répertoriés au Patrimoine immatériel du Guizhou. Au pavillon des couleurs, au coeur de la capitale, une jolie visite pédagogique induit la découverte du savoir faire artisanal de la broderie, de la teinture, du découpage artistique du papier ou encore de la calligraphie.
- broderie au Pavillon des couleurs
En buvant l’incontournable thé (on en boit ici à toute heure), on apprend entre autre à écrire en mandarin son nom ou celui de l’être chéri sur de jolis éventails ou sur du papier recyclé! la broderie à crin de cheval est un art traditionnel des Shui et une décoration importante des vêtements. Gardienne du folklore dés l’enfance, les femmes utilisent les longs crins de la queue de cheval et des fils de soie pour broder vêtements et chaussures.
Les ethnies Shui et Maoi
Si le Guizhou compte 38 millions d’habitants, les 18 peuples minoritaires (Miao, Buyei, Dong, Shui, ….)qui le peuplent vivent dans les montagnes en décalage flagrant avec les grandes villes. Avec 15 % de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté, cette province reste en effet l’une des plus pauvres de Chine. Certes la contrée est reculée mais aujourd’hui les trains super rapides au design futuriste accomplissent en moins d’une heure les 200 Kms jusqu’à Sandu le fief de l’ethnie Shui établi sur le cours supérieur de la rivière Duliu . La ville minuscule (quand même 1 million 600 000 âmes!) a construit un superbe musée à la gloire de cette ethnie. Cependant pour appréhender la vie vraie, simple, chiche et saine de ce peuple, il faut par des chemins tortueux se hisser tout là haut dans les montagnes. On est mercredi ,le jour de marché dans la partie basse de la montée.
Descendus de leur montagne, les marchands improvisés, avec leurs uniformes bariolés à souhait y proposent dans un allègre désordre des victuailles : poissons séchés, champignons, racines œufs variés volailles, gibiers… En tant que paysans-artisans, ils déclinent aussi ; tissus brodés, ustensiles de cuisines rudimentaires, matériaux divers et produits de première nécessité.
Tandis que l’on grimpe, alentour, la végétation foisonnante hétéroclite répertorie pins, ajoncs, légumes divers, céréales et même bambous, bougainvilliers et lotus dont on déguste ici fleurs et racines.Au fil de l’ascension, prémices d’adorables villages quelques vieilles habitations en bois et aux toits de tuiles vernissée apparaissent. Leurs silhouettes sombres semblent épinglées sur l’horizon au milieu des vertes collines et des rizières en encorbellement .
Voici Zenlei classé au Patrimoine Mondial. Peuplé à 65% de Shui et à 35% de Miao, en toute quiétude ses minorités cohabitent. Chacune y parle sa propre langue, conserve sa propre culture et ses propres costumes. Elles continuent comme antan de cultiver la terre aidé de buffles placides, de se nourrir sainement de produits locaux, de teindre les étoffes tissé sur des métiers rustiques, de broder les vêtements, de chanter et de danser aux moindres fêtes qu’ils adorent. La cohabitation des deux ethnies est ici, à l’image de la culture et de la nature, en parfaite harmonie !. En admirant les sublimes paysages de forêt de bambous,les rizières en espalier ou les potagers au cordeau encerclant les maisons de bois agrippées à flanc de collines, on croit contempler une délicate et précieuse peinture d’une Chine authentique calme et intemporelle où les contours estompés par un halo de brume leur prêtent des airs d’éternité .le temps semble figé : mode de vie rude sans eau courante ni électricité, festivités ou encore costumes traditionnels et parures d’argent, rien ne semble changer en suivant le long fleuve du temps. L’hospitalité proverbiale des habitants (qui ne parlent pas un mot d’anglais) ne se dément pas. C’est uniquement par le sourire et le geste que l’on vous invite à entrer dans les maisons aux portes largement ouvertes, à goûter aux fruits du jardin ou à l’alcool de riz maison en multipliant les toasts à votre santé. Un bémol dans ce tableau idyllique, aujourd’hui ne reste en majorité dans ces villages que les gens âgés et les enfants. Les adultes sont partis travailler à la ville ou dans les champs en bas dans la vallée pour gagner leur vie. Actuellement, de grands projets de réhabilitation et de gros efforts pour le développement touristique sont en cours. Le gouvernement central souhaite en effet apporter une source de revenus supplémentaires à ces habitants afin de pérenniser des traditions et un habitat hélas condamné autrement à disparaître
Le Thé de Mao
On ne saurait évoquer la Chine et le Guizhou en particulier sans parler du thé. Non loin de Sandu à Dayun dans la plaine, on a construit il y a tout juste 3ans un immense et très beau complexe d’attraction autour du thé. On a érigé d’immenses palais évoquant les splendeurs architecturales de la dynastie Ming où toute l’histoire du thé et de ses crus est mise en scène. Une réussite surtout le soir avec le million de leds illuminant façades et esplanades flanquées de statues colossales. De vastes espaces de restauration font la part belle à la gastronomie locale des minorités. Le thé, boisson chinoise par excellence; essentiellement le thé vert réputé plus léger simplement déshydraté puis torréfié, moins chargé en théine que le noir fermenté( appelé localement thé rouge) règne en majesté. Les grands crus comme le célèbre maojian de Guizhou dit « thé de Mao »(celui là même que le Grand Timonier avait découvert et aimé lors de son séjour ici alors qu’il faisait du Guizhou l’une de ses secrètes de développement militaire) sont ici présentés de façon didactique et ludique. Toute un monde autour de la plantation , la récolte, le séchage, le conditionnement et la commercialisation des différents crus passé au crible et explicités avec force de documentations, peintures, lectures et vaisselles. On assiste ici dans les règles de l’art à la fameuse, très solennelle et très codifiée cérémonie du thé où l’on déguste, au choix, des thés parfumées ou de plus rares comme le thé blanc à base de feuilles duveteuses encore à l’état de bourgeons, ou bien encore, rarissime le thé jaune dont les maîtres gardent jalousement secrète la composition .
Une bibliothèque unique et extraordinaire
Guiyang possède l’une des plus extraordinaires et des plus vastes bibliothèque au monde. Attendant le lecteur, 100000 références s’y prélassent sur plus de 2300m2. Ouverte fin 2018, elle appartient à la célèbre chaîne chinoise Zongshuge propriétaire de deux établissements du même type assorti d’un même époustouflant design; l’un à Hangzhou surfant sur le thème des nuages et l’autre à Shanghai imaginant un tunnel de livres. Celui du Guizhou crée par le designer Li Xiang suggère un vibrant hommage autant au karts, la pierre emblématique de la région donnant au relief des apparences stratifiées qu’à l’eau identité inhérente à ce territoire. Ainsi donc, en son sein, d’immenses galeries de livres symbolisent des rivières souterraines pénétrant dans des grottes, réminiscences et connaissances des différentes cultures omniprésentes ici. Des présentoirs déclinés par thèmes en forme de monumentaux murs de livres aisément accessibles sont réfléchis par des plafonds miroirs tandis que de silencieuses salles de lecture aux plafonds artistiquement peints déclinent des décorations luxueusement feutrées. Une pièce immense ludique et pédagogique est également consacrée aux enfants. Une découverte pour amateurs
A Sandu, le musée à la gloire des Shui
Le superbe musée ultra connecté et pédagogique récemment ouvert à Sandu propose une immersion totale dans l’histoire, la culture et les traditions ancestrales du peuple Shui . Issue de vagues migratoires, les Shui (ou Sui, « eau » en chinois) constituent un des 55 groupes ethniques chinois. Comparé aux 1 230 milliards de Hans (les chinois majoritaires) ,ils comptent peu. Cependant, ils ont choisi de vivre le long du cours supérieur des rivières Duliu et Longjiang entre les provinces du Yunnan et du Guizhou. Là où précisément la densité des forêts et les beaux paysages agraires sont propices à l’agriculture en terrasse et à la sylviculture. On surnomme d’ailleurs joliment cette région « le pays où coule le lait et le miel ». comme la plupart des autres minorités, les Shui sont donc essentiellement paysans. Depuis plus de 2000 ans, ce peuple fier possède sa propre langue. Cependant, les 400 mots environ que composent cette écriture s’adressent au divin. La majorité des shui n’ayant pas ou peu accès à l’école et à ce langage sacré, ce sont donc les plus savants qui le pratique. Au centre du parcours muséographique trône un personnage étonnant, totalement oublié par l’histoire chinoise (pourquoi ??) : ce drôle de Shui, vénéré par ses pairs a été l’un des premiers compagnons de Mao, a rencontré Lénine… et à 31 ans est mort en chantant l’Internationale !
Pratique
Y aller : La compagnie Hainan Airlines propose désormais des vols directs, tous les dimanches, depuis Paris vers Guiyang, capitale du Guizhou. Vol direct possible dans les deux sens !
Visa obligatoire , décalage horaire 7h
En exclusivité, c’est l’agence Daratours qui organise les voyages conjointement avec l’office de tourisme du Guizhou. Efficaces et compétents, les guides qui connaissent parfaitement leur province sont des référents de choix d’autant que les minorités ethniques ne parlent pas anglais. Daratours : www.daratours.com tel : 0153330009
Texte: Marie josé Colombani
Photos: Philippe Vidoni